— Si tu pouvais juste nous donner à voir quelques uns de tes prodiges, ça nous suffirait. Ça égaillerait bien notre samedi après-midi fade et pluvieux. On te connait, tu en es capable. On a même entendu dire que tu as fait de ces miracles dans ce village, comment s’appelle-t-il déjà ? — ah oui Capharnaüm, le patelin au bord de l’eau sur la route de ton retour ici. Si même là-bas tu guéris des malades, tu redresses des boiteux, tu chasses des esprits mauvais, tu pourrais en faire autant chez nous ! Regarde Sarah, la femme de Joshua, ça fait trois semaines qu’elle est clouée au lit, tu comprends bien que ça nous arrange pas pour aller puiser l’eau. Et not’ David, sourd comme un pot depuis qu’il est né ; tu pourrais peut-être lui faire quelque chose aussi non ? Tu me diras, ça le gène pas pour garder le troupeau, mais quand même ! Enfin, tu comprends quoi. On aimerait bien en voir un ou deux non ? Si tu nous montrais ce que tu es capable de faire…
— Vous n’avez donc rien compris ? Je viens de vous révéler l’accomplissement de l’espérance qui vous habite depuis des générations et vous voulez que je joue au faiseur de miracles ? Mais vous me prenez pour quoi ? Vous avez bien la tête coriace !…
Flashback sur la lecture de Jésus à la synagogue, du livre d’Isaïe :
— L’esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a conféré l’onction pour annoncer la bonne nouvelle au pauvre.
— Il m’a envoyé proclamer aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue ;
— libérer les opprimés pour la liberté ;
— proclamer l’année de grâce du Seigneur ;
Cette parole, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit pour vous qui l’entendez ! [1]
…
Vous savez bien que cette parole d’Isaïe annonce le salut puisque les miraculés, les guéris en sont le signe, même ceux de Capharnaüm ! Vous savez bien que lorsque cette parole se réalise, le Salut est au milieu de vous ! Vous savez bien que la réalisation de cette parole vous présente le Messie ! Vous savez bien qu’en accueillant cette parole qui se réalise, vous êtes invités à reconnaître l’Oint qui se présente simplement devant vous, mais sans les oripeaux dont votre imagination friande l’a affublé !
Mais vous êtes plus attachés à votre imagination, aussi trompeuse soit-elle, qu’à la simplicité de la venue du Messie parmi vous.
Mais vous vous attendez à quoi ?
Vous êtes plus attachés aux signes de la présence du Messie qu’à la réalité qu’ils désignent : sa présence même parmi vous !
Et vous redemandez des signes, des prodiges, parce qu’ils vous amusent, vous distraient plutôt qu’ils vous permettent de reconnaître la merveille devant vos yeux : le Messie est là !
Alors non, vous n’aurez plus de signes, vous n’aurez plus de prodiges, vous n’aurez plus de miracles merveilleux ! Vous n’aurez plus de divertissements puisque vous vous méprenez sur leur signification et leur portée !
Vous en avez eu suffisamment de ces signes. Décortiquez-les, ouvrez les yeux, comprenez-les.
Ayez la foi !
Le messie est là.
C’est tout.
Notez bien
[1] Lc 4,18-19