Il m’arrive de me balader sur YouTube, et je visionne des cours de japonais en ligne. Ils sont en général pour les débutants. Certains sont intéressants et m’interpellent. En écoutant d’une oreille distraite, j’en profite pour lire les commentaires et, le cas échéant, je réagis également soit pour répondre à des questions posées, soit pour apporter mon grain de sel. Je me suis dit que je pouvais publier chez moi le commentaire suivant. C’est un cours sur les kanjis de « Sophie - Cours de japonais » qui est l’occasion de ce texte.
L’usage de moyens mnémotechniques pour apprendre les kanjis est certainement la meilleure façon de procéder. Se fabriquer une histoire plus facile à mémoriser et l’associer à un caractère, quand on y prend goût et habitude, relève même pour certains du jeu. Apprendre les kanjis en s’amusant, voilà le Graal.
Cependant, je tiens à attirer votre attention, chère Sophie, sur le fait que les kanjis, en eux-mêmes sont des moyens mnémotechniques. Il serait donc beaucoup plus efficace de découvrir leurs propres structures pour les mémoriser. J’y vois deux avantages extraordinaires :
- En découvrant la véritable histoire sous-jacente, inscrite dans le graphisme du kanji lui-même, on n’a plus besoin de se créer une histoire mnémotechnique personnelle plus ou moins alambiquée, on a l’original !
- En découvrant la véritable « petite histoire » du kanji, on pénètre la culture et la manière de penser de ceux qui les utilisent pour lire et écrire. Une culture peut-être ancienne parfois, mais toujours intéressante.
Les lettres des Chinois (漢字) ne sont-ils pas en eux-mêmes des idéogrammes, tels qu’on traduit en français ces petits dessins. Ils portent en eux-mêmes une idée, une signification. À mon humble avis, il serait préférable de découvrir leur propre signification, c’est-à-dire comprendre le chemin par lequel les Chinois sont passés pour affecter un sens précis et ainsi modeler ces graphismes.
Il ne faut pas oublier que la simplification de leur écriture en chinois et en japonais a parfois détruit l’histoire sous-jacente des caractères originaux. Ils ne sont parfois qu’un gribouilli insensé ; pour certains d’entre eux, c’est une grande perte. Toutefois, la simplification « à la japonaise » s’est employée à recréer une véritable histoire lorsque c’était possible, si bien que la plupart des kanjis japonais possèdent en eux-mêmes une histoire, parfois nouvelle, qui continue de leur donner sens. L’honneur est sauf.
J’ai écrit tout ça, parce que j’ai envie de vous donner la signification intrinsèque du caractère de l’année : 年. Il est assez facile, et il ne s’agit pas d’une histoire que j’ai inventée.
Mais avant tout j’aimerais revenir sur 車, dont vous dites qu’il s’agit d’un châssis d’une voiture vu de dessous. Même si vous êtes proche de la véritable histoire de ce caractère, j’imagine mal les « auteurs » dudit idéogramme avoir déjà vu une voiture par en dessous, à une époque où les automobiles n’existaient pas. Par contre, à hauteur de fenêtre, ils ont vu nombre de palanquins ou de chaises à porteurs, vus de dessus donc, dont le graphisme de ce caractère est véritablement l’image.
J’en ai dit assez, passons à l’année ! とし、ねん、年. Décomposons-le. Une personne 人 et une vache 牛. Suivant sa place dans le caractère, la clé « personne » s’écrit 亻lorsqu’elle placée à gauche. En l’occurrence, ici elle est placée au-dessus et son deuxième trait vertical est devenu horizontal. Enfin, le premier trait du dessin de 牛 est un peu déplacé, en raison du fait qu’il entre dans la composition d’un autre caractère. On le retrouve écrit ainsi dans 年, 違, 韓, 降.
Donc voici la véritable petite histoire mnémotechnique, inscrite au cœur du caractère lui-même, et qui dévoile la conception culturelle des gens qui l’ont produit : une année, c’est le temps qu’il faut à un homme pour élever une vache. Ce n’est pas plus compliqué.
Mes deux sous.