L’année 2020 se termine. Bon débarras ! Vivement l’année 2021 ! Mais pour en faire quoi ? Rien comme d’habitude ? Par ignorance ? Par oubli ? Par manque d’intérêt ? Heureusement que la liturgie nous invite à la commencer en avance (en avence ?) afin que l’on soit fin prêt pour son début officiel !
Parce que liturgiquement, on l’a commencée aujourd’hui, avec cette période particulière qu’on nomme Avent. Comme, même dans la sphère profane, l’avent correspond à la préparation de Noël, on voit fleurir moult calendriers de l’avent pour soi-disant aiguiser la patience des uns et des autres : un seul chocolat par jour ! Par mutuelle influence, si par extraordinaire l’avent liturgique reste important pour les croyants, il ne concerne malheureusement que la préparation de Noël. On sort les cartons où sont relégués le reste de l’année la statuaire de la Sainte Famille, des animaux, des anges et des bergers, et des fameux rois mages, et on les dispose avec plus ou moins bon goût au pied de l’autel de l’église comme pour se persuader que celui qu’on attend et qu’on se prépare à accueillir est ce petit Jésus emmailloté dans sa mangeoire. On n’oublie pas le sapin ni l’étoile du berger !
Ainsi, on ne peut pas se dépêtrer de Noël quand survient l’avent. Pourtant la liturgie, lors des trois premiers dimanches de la période ne fait pas mention de la naissance prochaine de l’Homme-Dieu Sauveur qui s’incarne. Ça, c’est le mystère de Noël. Il n’apparaît qu’au quatrième dimanche !
Alors qu’est-ce qu’on fait pendant les trois premiers dimanches ? Qu’est-ce qu’on attend ? De quel avènement parle-t-on si ce n’est pas celui de la naissance du Christ ? Alors pardon, mais il ne faut pas être grand-clerc pour savoir que l’on n’attend pas la naissance du Christ qui, de manière circonstanciée survint dans l’histoire il y a quelque 2000 ans dans un lieu très déterminé. Ça, c’est fait ! On aurait l’air malin d’attendre encore la naissance du Christ. Le jour de Noël, on fait mémoire de cet événement afin d’en recueillir tous les bienfaits spirituels. Et la liturgie dans sa sagesse nous donne la semaine précédente pour nous y préparer. Et pas un mois complet et c’est tant mieux, car c’est bien suffisant ! Alors, on doit mettre à profit les trois premières semaines de l’Avent pour être prêt à accueillir un événement qui n’a pas encore eu lieu, qui est à-venir, et dont on ne connaît ni le jour ni l’heure.
Malheureusement, notre cœur est faible et on a depuis longtemps oublié cette promesse du Christ. Les chrétiens de l’Église primitive l’attendaient si fermement qu’ils croyaient ne pas mourir avant son avènement. Pourtant, les plus anciens ont commencé à mourir, parfois sous la persécution ; ils en ont été déboussolés. Pierre a dû les affermir dans leur foi, leur rappelant que pour Dieu un jour est comme mille ans et mille ans comme un jour. Aussi, ce n’est pas qu’il semble oublier la promesse ou qu’il soit en retard pour l’accomplir, mais qu’il laisse à chacun le temps de se convertir pour qu’il puisse accueillir cet événement sans risquer de passer à côté. C’est toute la prévenance de Dieu qui apparaît ici : que personne ne soit laissé sur le bord du chemin par manque de temps accordé. Ça fait 2000 ans que ça dure, et nous on est tombé dans l’excès inverse : on n’attend plus rien puisqu’on a oublié la promesse.
C’est pourquoi l’évangile d’aujourd’hui entend bien nous réveiller. Pour nous rappeler ce que nous sommes censés espérer, avec foi et entrain. (Ré)veillez(-vous) !, clame-t-il à plusieurs reprises. Pour en parler, le Christ évoque un maître de maison parti en voyage et laissant à ses serviteurs ses biens jusqu’à ce qu’il revienne. Nous sommes ici et maintenant ces serviteurs, riches de la richesse du maître dont nous sommes les intendants. Leur bon usage nous est le moyen par lequel nous attendons avec patience et espérance son retour. Chacun des intendants-serviteurs est actuellement riche des bienfaits du maître, manière d’être d’une manière mystérieuse déjà en sa présence, ou, à tout le moins, d’être déjà dans la joie de l’espérance de sa présence. Bien d’autres passages du Nouveau Testament évoquent le Retour du Christ dont nous héritons de la promesse. C’est cet événement qu’on se prépare à accueillir durant l’Avent.
Quand reviendra-t-il ? Nul ne le sait. Personne n’en connaît la date. Mais nous pouvons cependant comprendre qu’il reviendra lorsque chacun sera capable de l’accueillir, afin qu’aucun ne soit perdu. Être prêt à l’accueillir, c’est l’enjeu de notre préparation de l’Avent.
De quels moyens dispose-t-on ? Souvenons-nous de la réponse de Jésus à ce sadducéen qui lui demandait de citer le plus grand commandement. « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton esprit... » Et voilà qu’il cite deux ou trois de nos capacités naturelles, qualifiées comme moyens pour aimer Dieu et son prochain. Ne pourrait-on pas en rajouter à cette liste pour se convaincre d’être déjà très doué ? « De tout ton cœur, de ton esprit, de ton courage, de ton intelligence, de ton temps, de ton imagination, de ta jeunesse ou de ta vieillesse, de ta santé ou de ta maladie, de ta gentillesse, de ta tendresse, de ta patience... » Voilà bien toutes nos qualités naturelles qui sont mises au service de Dieu et du prochain. Chacun d’entre nous en est pourvu de manière unique, et elles constituent non seulement notre dignité d’êtres humains, mais aussi notre unicité aux yeux de Dieu !
Et souvenons-nous aussi de cette fameuse parabole des talents. Le maître encore, avant de partir en voyage et jusqu’à son retour (!), confie ses biens à ses serviteurs « selon les capacités de chacun ». Ces capacités sont justement ces qualités, uniques à chacun, évoquées à l’instant. Par-dessus, comme pour les magnifier ou les féconder, il confie ses propres richesses. On pourrait les qualifier ainsi : la grâce du salut, ou la grâce de la résurrection, ou la vie éternelle ou que sais-je encore de ces richesses divines qui nous sont déjà allouées afin de nous sanctifier, nous associer au Christ, de nous magnifier. L’Église est dépositaire de ces trésors. Son rôle est de nous les partager durant cette période de temps qui a débuté lorsque le Christ ressuscité a promis qu’il reviendrait. Nous sommes dans cette période de temps de gestation à la sainteté. Ces trésors sont les sacrements, richesses de Dieu qui nous sont données.
Comme par un mystère qui nous est donné de vivre, ces sacrements, ses richesses divines, ces grâces du royaume sont déjà pour nous ici-bas une manière de vivre avec le Christ ressuscité. Une manière d’accueillir déjà celui que nous nous préparons à accueillir à son retour et dont nous nous rappelons ce mystère pendant l’Avent. Vivre déjà mystérieusement avec lui fait naître en nous cette espérance de ce retour qu’il a promis. En conséquence, la meilleure façon de ne pas oublier la promesse de son retour, c’est de vivre déjà dans son amitié, une amitié nourrie des richesses de son royaume, dont l’Église dispose avec amour pour chacun d’entre nous. La fréquentation des sacrements nous convie à la fréquentation du Christ. Ce sont les moyens par lesquels nous pouvons attendre son retour avec espérance, dans la paix et la patience. Réveillons-nous, et ne l’oublions pas !
Alors l’année 2021 ?