Si je demandais à n’importe lequel des agriculteurs de la région du Tokachi, dont quelques-uns fréquentent la paroisse dont je suis curé, ils me diraient certainement que le semeur de l’Évangile n’est pas très doué. Il sème n’importe où ! Aussi bien sur le bord de la route, que sur la pierraille ou que dans les fourrés d’épines. On est presque étonné qu’il sème quelques grains dans la bonne terre. Se permet-il de répandre de précieuses semences qui ne donneront assurément aucun fruit au défi de les perdre tout à fait ?
Il faut dire que prendre des risques est l’une des caractéristiques de son espérance. Car, lui, il a de l’espérance…
Bien sûr, Dieu sème sa parole dans le cœur de tous les hommes, dont bien peu sans doute peuvent se glorifier d’être de la bonne terre. Son espérance ? Que les prétentieux, les pécheurs, les faibles, les criminels, les pauvres, les misérables, les méchants, les repus, les couards, tous ceux qui se sentent jetés sur le bord de la route de la vie, dans une sécheresse d’amour dont la pierraille brûlante est le signe, ou étouffés par toute sorte d’oppressions ténébreuses et paralysantes, soient touchés, éclairés, renouvelés par sa parole vivifiante, pour, par quelque miracle dont il a la clef, que ces terres hostiles et menaçantes soient fécondées et produisent du fruit, marque de la bonne terre devenue ! Oui, c’est là son espérance.
Qui peut se targuer d’avoir toujours été une bonne terre irriguée, grasse, fertile dès le premier jour ? Qui encore peut-il se vanter d’être déjà cette terre souple, vivante et riche sans convoquer un orgueil le replaçant de fait du côté de la stérilité ?
Si Dieu ne semait que dans la bonne terre, quelle espérance porterait-il ?
Y aurait-il seulement quelques parcelles de bonne terre à ensemencer ?
L’espérance de Dieu, c’est de croire que de mon aridité crasse peut naître une fécondité lumineuse au moyen de sa parole vivante.
Mon espérance vient de ce que je commence à comprendre le cœur de Dieu.
Le semeur est nul ? Tant mieux !